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justice
«Les Saint-Martinois ne supportent pas qu’on les prenne pour des immigrés»

Par Lannig STERVINOU      26 novembre 2016 à 19h28


  Le, très médiatique, syndicaliste guadeloupéen Elie Domota était témoin de contexte lors du procès de Nadigua S. jeudi à Saint-Martin. Photo©Lannig Stervin
A l’occasion du procès de Nadigua S., une militante saint-martinoise de l’association The St.Martin Grassroots People Movement pour outrage et injures raciales à l’encontre de policiers de la PAF (police aux frontières) dans l’exercice de leur fonction, la défense a appelé à la barre trois témoins de contexte : Daniella Jeffry, Julien Mérion et Elie Domota.
Si pour le vice-procureur Yves Paillard, la défense a tenté de «détourner le débat», ces intellectuels ont apporté des éléments intéressants sur la question de l’identité saint-martinoise et caribéenne.
La première à avoir été appelée est Daniella Jeffry, historienne et auteure du livre «Déstabilisation sociétale dans la Caraïbe française». «Si Nadigua a revendiqué son identité saint-martinoise, c’est naturel car, par notre histoire, l’identité et la nationalité sont deux choses différentes», dit-elle. «Nous sommes Français, Hollandais mais aussi Américains. La nationalité n’a jamais été un élément d’identification du Saint-Martinois», poursuit l’experte. «Cela peut paraître choquant que nous ne nous disions pas Français mais c’est le cas

«La défiscalisation a bouleversé socialement l’île»


Daniella Jeffry revient ensuite sur les éléments qui ont constitué cette crise identitaire saint-martinoise dans la société contemporaine. «Nous n’avions pas de mendiants, de voleurs, d’assassins sur l’île jusqu’au début des années 1980. Tout a changé avec la loi Pons et la défiscalisation. Nous souffrons depuis plus de trente ans de cette situation», souligne-t-elle. «La défiscalisation a bouleversé socialement l’île. En sept ans la population a triplé. Cela a été le point de départ d’une société où le Saint-Martinois ne se sent plus chez lui. Il est absolument marginalisé.» Elle raconte ensuite que pour construire les 4 500 chambres d’hôtel relatives à la défiscalisation, «des ouvriers illégaux ont été amenés à Saint-Martin des îles voisines et 3 000 ont été légalisés en 6 mois, puis est venu le rapprochement des familles.» «Maintenant on fait la chasse aux Saint-Martinois», affirme-t-elle. «C’est un monde nouveau pour nous et ce n’est agréable pour personne de ne plus se sentir chez soi. Nous sommes très sensibles aux arrestations par la PAF car pour nous elle est venue pour contrôler l’immigration illégale», explique-t-elle aussi.
A la fin de l’exposé, le vice-procureur souhaite interroger le témoin. «Comment fait-on pour protéger les Saint-Martinois de l’immigration illégale ?», demande-t-il. «Ça devrait être un devoir de distinguer un Saint-Martinois d’un autre», répond-elle. «Comment on le vérifie ?» «Si quelqu’un vous dit qu’il est Saint-Martinois, vous le laissez partir.» Le vice-procureur saute sur l’occasion : «donc si vous arrêtez quelqu’un que vous pensez terroriste et qu’il vous dit qu’il n’est pas terroriste, vous le laissez passer ? Ce n’est pas concevable. Il y a un moyen simple et peu contraignant : demander une pièce d’identité. Et tout citoyen doit s’y soumettre sans exception.» «Les Saint-Martinois ne supportent pas qu’on les prenne pour des immigrés», conclut Daniella Jeffry en rappelant les émeutes de 1986 à Marigot suite à des arrestations par la PAF de familles saint-martinoises.

«Génocide par substitution»


Vient le tour de Julien Mérion, politologue retraité de l'université des Antilles Guyane et président du Coreca (Contacts et recherches Caraïbes). «Moins on se parle, moins on se comprend et on arrive à des extrémités», dit-il. «De toute évidence, depuis les années 80, on assiste à un renversement de tendance et une forme d’arrogance vis à vis du Saint-Martinois d’origine.» «Est-ce que la population saint-martinoise est menacée ?», demande un des avocats de la défense. «Ce n’est pas une question de menace mais de respect», répond-il. «Il y a une dimension subjective de la perception de l’autorité et de l’autre.» «Comment les peuples perçoivent encore maintenant la présence des puissances coloniales ?», interroge un des avocats. «Il existe des rapports de domination et de force même si le cadre juridique a changé. Après avoir nié toute forme d’identité, il y a depuis une quinzaine d’années l’idée qu’il puisse coexister des identités différentes.» Il reprend alors les mots d’Aimé Césaire et parle de «génocide par substitution
Arrive à la barre, le très médiatique syndicaliste guadeloupéen Elie Domota. «Ce sentiment n’est que le reflet d’une image de la France que nous avons.» Il rappelle l’échange musclé qu’il a eu avec François Fillon, le possible président de la République en 2017, sur France 2, il y a quelques semaines. En effet, le leader emblématique de la grève générale de 2009 contre «la vie chère», n'avait pas hésité à dénoncer le «racisme» de l’ancien Premier ministre. A l'origine de la colère du dirigeant syndical, cette citation de François Fillon, hostile à toute repentance historique: «La France n'est pas coupable d'avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Nord. Non, la France n'a pas inventé l'esclavage.» Une phrase qui avait fait bondir Elie Domota. «Lorsque Jules Ferry dit que les races supérieures doivent s'imposer sur les races inférieures, vous êtes dans cette même philosophie. Vous considérez les peuples d'Afrique et les peuples d'Outre-mer comme des êtres inférieurs. Et les propos que vous tenez relèvent du racisme et de l'apologie du crime contre l'humanité», avait lancé le leader syndical. «Pour que le vivre ensemble fonctionne tout ce que l’on demande c’est que l’on nous respecte. La confrontation peut tomber sur le terrain racial car il y a beaucoup de frustrations qui n’ont jamais été réglées», dit-il devant le tribunal. «Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes concerne également les gens de Saint-Martin.» «Si les parlementaires votent actuellement une loi pour l’égalité réelle en Outre-mer, c’est que cette égalité n’a jamais existé», conclut-il.

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