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Obligation vaccinale : «nous nous sentons méprisés»

Par Grégory Rohard      23 novembre 2021 à 16h18
Toutes et tous travaillent dans des services différents du centre hospitalier Louis Constant Fleming. Certains font partie du personnel soignant, d'autres non. Tous ont souhaité rester anonymes. Lorsque la loi sur l'obligation vaccinale a été présentée par le gouvernement, ils n'y ont pas cru. Aujourd'hui, poussés à la porte de leur lieu de travail, ils se sentent «méprisés». Témoignages.
Les applaudissements de la population et les cérémonies de remerciements ne sont plus qu'un lointain souvenir pour les personnels soignants et non engagés dans la lutte contre le coronavirus. Depuis l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale le 15 septembre 2021, les personnels du centre hospitalier Louis Constant Fleming, réfractaires à cette mesure vivent des heures difficiles. «Lorsque l'obligation vaccinale est entrée en vigueur, je me suis dis que cela ne pouvait pas arriver» explique l'un d'eux. Mais quelques semaines plus tard, les premières mises en demeure tombent, et avec elles, «le ciel sur la tête. Nous avons ressentis du mépris. Si nous n’obéissons pas, c’est la mort sociale» témoigne un soignant.

« J'ai appris ma suspension
dans les couloirs de l'hôpital »


Nous sommes au mois d'octobre 2021 et alors que la question de l'obligation vaccinale divise les personnels du centre hospitalier, la rumeur des premières suspensions promises par le gouvernement à l'encontre des travailleurs réfractaires à l'injection se fait de plus en plus pressante. «C'est par la rumeur que j'ai appris que j'étais suspendu» témoigne un soignant. «Pas de réunion, pas d'entretien avec la direction. Je n'avais plus qu'à rentrer chez moi» explique celui qui déplore un manquement certain dans la procédure. «Certains sont arrivés au travail mais n'ont pas été autorisés à entrer dans l'établissement». À l'époque, le taux de vaccination du personnel au CH Louis Constant Fleming, selon les chiffres transmis par la direction, atteignait les 70%. Des chiffres qui ne reflétaient pas la part réelle du personnel vacciné selon les témoignages de certains soignants. «Certains travaillaient et ont appris, au milieu de leur journée, qu’ils étaient suspendus » explique- t-on. Parmi eux, «des chargés de famille qui par crainte de perdre leur emploi et leur salaire n'ont pas eu d'autre choix que de se faire vacciner contre leur volonté» précise-t-elle. Pour les autres, «c'est la perte sèche de notre salaire du jour au lendemain...et nous ne savons pas jusqu'à quand cela va durer».

Une réorganisation de l'hôpital


Selon les chiffres officiels et évoqués au Sénat par le ministre de la Santé Olivier Véran, 90% du personnel du centre hospitalier Louis Constant Fleming serait aujourd'hui vacciné mais une note interne fait état d'une réorganisation des services pour absorber les absences. «La chirurgie est fermée. Les opérations ont été déprogrammées. L'activité opératoire se limite aux urgences et à l'ambulatoire. Il n'y a plus d'unité Covid. Les patients atteints par le coronavirus restent dans leur service» explique un soignant. «Cela va nécessairement entraîner un ralentissement dans la prise en charge des patients et un surcroît d'activité pour les personnels...je n'arrive à pas comprendre en quoi la vaccination obligatoire est une mesure pour protéger les patients Elle contribue à une perte de chance pour eux quant au retard de prise en charge des pathologies chroniques du fait de la fer- meture des services.» estime-t-il. Une conviction qui se fonde également sur le lot de contradictions vécues par les personnels soignants depuis l'émergence de l'épidémie. «Durant la première vagues, nous travaillions sans masque. En dehors des urgences et des blocs opératoires, cela nous avait été formellement interdit par la direction. Nous avons travaillé sans compter pour les patients mais aujourd'hui, parce que nous souhaitons avoir d'avantage de recul sur le vaccin, nous sommes mis à la porte».

90% du personnel vacciné, 42 suspensions actées


Contactée par nos soins, la directrice du centre hospitalier Louis Constant Fleming confirme que la part des personnels vaccinés atteindrait aujourd’hui 90%. En conséquence, 42 personnes auraient été suspendues explique Marie-Antoinette Lampis. Des suspensions qui ont entrainé une réorganisation «temporaire» confirme la directrice du centre hospitalier qui précise que ces changements «n’ont pas d’incidence sur la prise en charge des patients. Le processus pour procéder à un recrutement temporaire de personnel est en cours. Il s’agit de renforcer les équipes» explique la directrice qui souhaite que les personnels suspendus puissent procéder à la vaccination et rejoindre leur poste. «C’est très douloureux d’exclure son personnel, mais je n’ai pas le choix, c’est la loi» concède Marie-Antoinette Lampis. Si les propos de la directrice du centre hospitalier se veulent rassurants, la réorganisation des services pèse sur le personnel en poste. «Nous sommes sous tensions. Avec la réorganisation, certains se retrouvent dans des services qu’ils ne maitrisent pas forcément, d’autres se sont mis en arrêt. Ils vont chercher des personnels aux urgences pour compléter les effectifs. Il s’agit de sauver les meubles mais selon moi, il y a nécessairement des répercussions sur la prise en charge des patients » témoigne un personnel en poste.

Ils ont dit...


« Je suis profondément triste »
«Je suis atterrée que l'on puisse être traité de la sorte. Lors des premières vagues, l'hôpital nous demandait de continuer à travailler lorsque nous étions positifs au Covid mais asymptomatiques. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre choix que la vaccination pour continuer à exercer. Les tests PCR ne suffisent pas et nos équipements qui nous protègent et protègent autrui ne semblent plus reconnus. C'est une perte sèche de salaire du jour au lendemain et à durée indéterminée. Il n'y a plus de code du travail. Nous avons donné beaucoup pour l'hôpital, la direction aurait pu se positionner comme la Martinique pour protéger son personnel. »

« Un mépris du personnel »
«Je suis le premier à conseiller aux personnes atteintes de comorbidités d’accéder à la vaccination, ainsi que ceux qui le souhaitent mais lorsque le terme obligatoire s’est invité dans les débats, j’ai trouvé ça inacceptable. Je ne croyais pas cela possible alors que nous manquions déjà de personnel. Nous avons toujours répondu à l’appel, que ce soit après Irma ou pour les vagues successives du Covid, en faisant potentiellement courir des risques à nos familles, car nous avons eu peur nous aussi. Certains d’entre nous avaient même décider de ne plus habiter avec leurs enfants. Et, du jour au lendemain, nous sommes les personnes à abattre ! On peut avoir
eu une carrière exemplaire mais parce que nous avons des doutes sur le vaccin, parce que nous souhaitons avoir davantage de recul, nous sommes jetés à la rue. Avec l’impossibilité pour les soignants d’exercer leur métier ailleurs! Nous sommes profondément blessés, tristes, abîmés. Avec la réorganisation des services du centre hospitalier,la pression délétère mise sur le personnel, je crains aussi pour la prise en charge des patients, de ma famille, s’il venait à leur arriver quelque chose»

« On attend le miracle »
« Je voudrais pouvoir discuter avec ma hiérarchie, faire valoir mes droits, savoir dans quelle mesure je peux changer de carrière et être accompagné. Je suis perdu. Nous n’avons droit à rien. Pas d’accompagnement, pas de salaire, pas de chômage. Rien ! On ne peut même pas s’organiser puisque nous ignorons combien de temps cela va durer. La loi prévoit bien la fin de l’obligation vaccinale mais a laissé la date en blanc. «La seule issue envisagée par l’État et que nous cédions, mais eux préfèrent utiliser la formule : « que nous avons été convaincus».
J’aimerais beaucoup connaître le nombre de personnels qui disent avoir été « convaincus»? Cette suspension m’a abîmé, m’a enlevé un peu de mon humanité, de mes convictions en tant que soignant mais aussi en tant que citoyen. Notre hôpital et notre population ne méritait pas ça »

Pompiers : «Nous ne demandons pas la lune, nous demandons d'avoir le choix»


Les images ont fait le tour des réseaux sociaux. Ce sont celles des affrontements qui ont eu lieu le 16 novembre dernier en Guadeloupe, entre les personnels du Service départemental d’incendie et de secours, mobilisés contre l’obligation vaccinale, et les forces de l’ordre. Un symbole qui sonne la fin de la pédagogie. «Je trouve incroyable que de telles forces aient été déployées pour nous contraindre au vaccin...on ignore jusqu’où cela va aller» témoigne un sapeur-pompier saint-martinois contacté par nos soins. Selon lui, «90% des sapeurs-pompiers sont contre l’obligation vaccinale». Il y a quelques jours encore, il était aux côtés de ses camarades en Guadeloupe, tous mobilisés contre la loi du 5 août. «C’est là bas que tout se joue. Toutes les décisions qui seront prises en Guadeloupe auront des répercussions à Saint-Martin. Nous sommes constamment en contact» ajoute-t-il. «Nous sommes en première ligne depuis le début de la pandémie, mais nous avons toujours su nous prémunir du covid-19 avec nos équipements. Nous ne demandons pas la lune, nous demandons juste d’avoir le choix. Pour ma part, je ne sais pas jusqu’où je suis prêt à aller mais certains de mes camarades sont déterminés.»

« Je préfère perdre mon boulot que ma dignité »
«Le 15 novembre dernier, nous devions présenter un schéma vaccinal complet. Nous nous sommes rendus à la caserne et nous avons demandé à ne pas prendre notre garde... À Saint-Martin les effectifs ne sont pas nombreux, il n’y a personne pour venir nous remplacer» explique un autre sapeur-pompier. «Aujourd’hui, nous travaillons sous réquisition de la préfecture. Si nous ne nous présentons pas à notre garde, nous sommes passibles de sanctions pénales mais nous pouvons continuer à exercer sans être vaccinés. Tout d’un coup, il n’y a plus de problème. C’est une mascarade» estime le soldat du feu. «J’ai une famille à nourrir mais je préfère perdre mon boulot que ma dignité. Certains de nos camarades étaient contre le vaccin. Ils l’ont fait sous la pression, par crainte de perdre leurs revenus.»

Intervention de la sénatrice Annick Pétrus au Sénat


La Sénatrice de Saint-Martin, Annick Pétrus a pris la parole au Sénat le mercredi 17 novembre dernier à l’occasion de la séance des questions au gouvernement. Et c’est au ministre de la Santé Olivier Véran que la sénatrice a souhaité faire part de ses inquiétudes quant à l’accueil réservé à l’obligation vaccinale aux Antilles et à ses conséquences. « Monsieur le Ministre, au moment même où se déroule le Congrès des maires et que mes collègues élus ultramarins nous partagent les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs territoires respectifs sur l'application de l'obligation vaccinale des soignants et des pompiers, et alors même que les Antilles et la Guyane sont confrontées à des grèves, barrages routiers, manifestations et défilés, qui perturbent grandement la vie et l'activité économique de leurs habitants, il m'est d'avis qu'une solution pérenne prenant en compte la spécificité de ces territoires, sou- vent petits et déjà soumis à des pénuries de personnel en temps normal, doit être trouvée afin de répondre de manière décente à la prise en charge sanitaire des populations. Donner l'assaut à des personnels soignants ou aux pompiers, comme nous avons pu le voir sur les réseaux sociaux, ne peut être une réponse ; tout comme le report en Martinique ne solutionne pas le problème. Depuis quatre jours, une note de service du centre hospitalier de Saint- Martin, qui a largement circulé sur l'île fait part d'une réorganisation interne pro- posée par la direction. L'activité opératoire est très limitée, le service de chirurgie est fermé et le bionettoyage est assuré par un prestataire extérieur, alors même que l'hôpital est déjà fortement endetté. Les Saint-Martinois craignent de se rendre à l'hôpital, tant ils sont conscients de la dégradation de la prise en charge. Dans la population, on n'ose plus appeler le 18, car on ne sait pas si l'on aura une réponse. Assignations et réquisitions des pompiers montrent leur limite. Monsieur le ministre, dans le cadre de la différenciation et de nos spécificités ultramarines, une adaptation de la loi sur l'obligation vaccinale faite aux sapeurs-pompiers et aux soignants me semble indispensable. En effet, si le rôle de l'État est de protéger la population contre la covid-19, il doit également assurer une couverture sanitaire décente de nos territoires. Protéger de la covid-19, oui ! Mourir par manque de soins, non ! » a-t-elle déclaré.
Un coup d’épée dans l’eau car une adaptation de la loi aux Antilles n’est pas à l’ordre du jour. «Madame la sénatrice, je ne reviendrai pas sur l'obligation vaccinale pour les soignants. Je le ferai d'autant moins que, s'agissant de la Guadeloupe et de Saint-Martin, en particulier, cette obligation est quasiment arrivée à son terme» a répondu Olivier Véran. «...en Guadeloupe, le personnel est vacciné à plus de 85 % au CHU de Pointe-à-Pitre...Quant au taux de vaccination au centre hospitalier Louis-Constant-Fleming de Saint-Martin, il était, il y a plus d'une semaine, supérieur à 90 %. Cela signifie que nous y sommes arrivés ou que nous sommes en train d'y arriver. Ce n'est pas le moment de lâcher. Nous le faisons pour la population» a conclu le ministre.


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